dimanche, janvier 15, 2006

MÉMORANDUM ADRESSÉ AU PRÉSIDENT DU SÉNAT DE TRANSITION DE LA RÉPUBLIQUE DU BURUNDI

 

ASSOCIATION BURUNDAISE DE LUTTE CONTRE LE GÉNOCIDE

AC-GÉNOCIDE CANADA

 
  


 

 

MÉMORANDUM ADRESSÉ AU PRÉSIDENT DU SÉNAT DE TRANSITION DE LA RÉPUBLIQUE DU BURUNDI, HONORABLE LIBÈRE BARARUNYERETSE.


Honorable Monsieur le Président,

 ·         Au nom de la sagesse burundaise et des valeurs humaines universelles;

·         Au nom des rescapés du génocide des tutsi du Burundi et du massacre des hutu non acquis à cette ignoble idéologie;

·         Au nom des victimes des génocides et des crimes contre l’humanité à travers le monde;

·         Au nom de la mémoire vigilante et de la conscience collective;

·         Pour le « plus jamais ça »;

 Dans l’espoir que notre appel éveille la conscience des hautes autorités burundaises sur le drame national en cours;

 Nous, les membres d’AC-Génocide Canada, vous adressons le présent mémorandum: 

Les Tutsi du Burundi et de la sous-région des grands lacs africains sont soumis depuis les années cinquante à une extermination programmée par des idéologues coloniaux, religieux et de l’intelligentsia hutu extrêmiste en vue d’une solution finale calquée sur le modèle nazi. Beaucoup d’événements macabres ont ponctué l’histoire récente de la sous-région en générale et du Burundi en particulier. Il suffit pour se le rappeler de mentionner le génocide et l’exil rwandais de 1959; les tentatives d’extermination des tutsi du Burundi en 1965, 1972, 1988 qui ont culminé avec les génocides de 1993 et 1994. L’épée de Damoclès reste suspendue sur leurs têtes depuis lors et il ne se passe pas de jour sans que l’on ne rapporte des scènes horribles dont ces artisans de la mort sont seuls capables.

 Le négationnisme et le révisionnisme orchestrés par les commanditaires du crime des crimes, le silence gêné sinon complice de la communauté internationale, l’inaction des pouvoirs publics,… ne font que conforter les bourreaux dans la conviction que leur projet macabre est possible. Pourtant, des faits, des données et des documents ne manquent pas pour permettre à la justice nationale et internationale de sévir et de mettre ces criminels hors d’état de nuire. Qu’est devenu le rapport S/1996/682 des Nations Unies sur le génocide au Burundi ? Qu’ont fait les différents gouvernements du Burundi depuis 1988? Qu’ont fait les différentes institutions judiciaires et législatives du pays dont le sénat de transition dont vous êtes président? Et la fameuse communauté internationale? Rien ou plutôt si: ils n’ont fait que conforter et remercier les génocidaires (cf. 1988 et suivant), culpabiliser les victimes et innocenter les bourreaux. En serait-il autrement lorsque les mêmes criminels et/ou leurs complices se retrouvent dans les sphères de décision sur l’avenir de la nation? C’est à peine que l’on ne croirait pas rêver si l’on ne se trouvait pas devant un pays atypique où tout est possible, où les institutions rament allégrement à contre courant du droit et de la morale universelle.

Harusha et ses différents protocoles subsidiaires consacrent une renonciation à la souveraineté nationale et une institutionnalisation de la rupture du tissu social burundais en groupes ethnico-politiques antagonistes avec des quotas dont seul Dieu connaît la pertinence. La représentativité des membres de ces groupuscules laisse elle-même à désirer étant donné qu’ils n’ont ni le mandat, ni la légitimité des communautés dont ils prétendent défendre les intérêts. Dans ce marché des dupes où seuls se retrouvent les spécialistes du mercenariat et du courtage politique, même les engagements pris par les différentes parties sont rarement tenus. Que sont devenues les fameuses réserves du défunt G10 et qui étaient supposées sécuriser la minorité menacée d’extermination? Sacrifiées sur l’autel d’intérêts étroits dans la guéguerre des alliances (parfois contre nature) et des mésalliances au gré du souffle du vent. Pendant ce temps de distraction collective, le rouleau compresseur du FRODEBU et de ses milices génocidaires se referme sur les survivants du génocide et récupère tous les espaces de liberté publique dont la minorité pourrait se prévaloir. La persécution des militants anti-génocides, la simulation théâtrale de rébellions tutsi fictives pour détruire toute opposition véritable et les meurtres ciblés se comptent parmi l’arsenal prisé de cette stratégie d’endiguement. Le pouvoir judiciaire est instrumentalisé par l’exécutif pour museler et persécuter les médias et l’opposition politique pacifique.

La rupture du tissu social burundais est à la hauteur du niveau général de délabrement de l’État. La médiocrité et le nivellement par le bas sont devenus les modes de gouvernement de la nation burundaise, la corruption, l’affairisme et le trafic d’influence se sont mués en seuls moyens d’accès au pouvoir et de sa conservation. La souveraineté et la fierté nationale ont été vendues aux enchères sur les marchés régionaux et internationaux. La dépravation des mœurs, la débauche de la jeunesse par les mercenaires étrangers, la destruction du système éducatif national et l’effondrement de toutes les infrastructures socio-économiques n’empêchent pas de dormir les hommes aux commandes préoccupés davantage par la survie de leurs sièges éjectables que par l’avenir de la nation. Le sénat dont vous êtes président est rendu inopérant et a été transformé en un bac de recyclage de dignitaires en perte de crédibilité politique et sociale; les intendances des présidents déchus grèvent démesurément le budget de l’État pendant que les enseignants, les autres travailleurs et les citoyens ordinaires croupissent dans une misère incommensurable. Il serait risible, si ce n’était pas au Burundi, que des rebelles criminels rentrent et restent dans un gouvernement et dans d’autres institutions nationales auxquelles ils ont refusé l’assermentation d’allégeance.

Honorable Monsieur le Président,

Eu égards à tous ces maux qui rongent le Burundi dont nous n’avons relevé qu’une infime partie et dont nous sommes convaincus que vous êtes parfaitement conscient, AC-Génocide Canada formule les propositions et recommandations suivantes:

1.      Élaborer et promulguer dans la constitution une loi réprimant le génocide et les autres crimes contre l’humanité conformément à la législation internationale en la matière.

2.      Établir les faits et juger les criminels du génocide et les auteurs des autres crimes contre l’humanité: il sied pour ce faire de mettre fin à la culpabilisation collective et à la globalisation entretenues par les différentes affabulations sémantiques  en usage dans les sphères du pouvoir. « Pardonner, ce n’est pas oublier »; le pardon ne peut être que la conséquence « d’une vérité bien établie, de l’aveu de culpabilité et du repentir du criminel ». Le pardon ne s’accorde qu’à celui qui le demande tandis qu’il est hallucinant d’exiger des excuses de la victime et de l’innocent.

3.      Réhabiliter les victimes du génocide et des crimes contre l’humanité: assistance matérielle immédiate et sécurisation des rescapés; indemnisation et rétablissement des survivants dans leurs biens fonciers, meubles et immeubles; accompagnement psychologique et médical.

4.  Ratifier et incorporer dans le droit national tous les textes et conventions internationaux relatifs aux droits de l’homme et à la protection des minorités;

5.   Construire un monument national en mémoire des victimes du génocide;

6.  Arrêter la persécution des militants anti-génocide et les réhabiliter dans leurs droits de citoyens à part entière;

7. Juger et disqualifier les organisations et personnalités impliquées, de près ou de loin, dans les actes de génocide et autres crimes contre l’humanité;

8. Reconnaître et faire suivre immédiatement les clauses et les recommandations du rapport S/1996/682 de la commission d’enquête internationale des Nations Unies sur le Burundi;

9.  Élaborer et adopter une constitution nationale qui consacre une démocratie équitable fondée sur un processus de légitimation intra-communautaire: la logique d’« un homme, une voix » est une affabulation dangereuse dans le contexte burundais de société éclatée et où l’appartenance ethnique transcende l’adhésion aux idées. Aussi faudra-t-il que les représentants des différentes communautés nationales ne soient plus cooptés par les chefs de partis ou par les hommes au pouvoir mais obtiennent la légitimité élective par un vote intra-communautaire, de la base au sommet de l’État.

10. Incorporer dans la constitution et la loi électorale des clauses qui précisent les mécanismes d’alternance politico-ethnique au sommet de l’État. Tous les fils et toutes les filles de la nation doivent avoir les chances égales d’accéder aux plus hautes fonctions de l’État.

11. Surseoir immédiatement aux amnisties et aux libérations sans jugement des criminels accusés de génocide et de crimes contre l’humanité. Il en va de même du processus inique de blanchissage de ces criminels de droit pénal pour les faire passer pour des prisonniers politiques.

12. Élaborer et promulguer une loi constitutionnelle qui empêche la prolifération de partis politiques fictifs. Cette loi imposerait notamment aux partis politiques de présenter un projet de société pertinent, d’avoir une assise nationale et de rendre compte de leurs activités et de leur gestion aux institutions et à la communauté.

13.  Réhabiliter l’État et les valeurs éthiques dans la gestion des affaires publiques: il faudra pour cela créer, entre autres, une cour des comptes véritablement indépendante et un conseil à l’éthique pour sanctionner l’action des mandataires publics. La promotion à des postes de responsabilité publique doit être conditionnée à une preuve d’intégrité et d’éthique sociale.

14.  Nettoyer, du paysage politico-administratif burundais, les personnes compromises dans diverses malversations économiques et sociales.

15.  Réhabiliter et ériger le Sénat en un véritable contre-pouvoir du Parlement et de l’Exécutif.

16. Supprimer les avantages exorbitants accordés aux anciens chefs d’État et aux autres dignitaires déchus.

17.  Réhabiliter le citoyen et remettre en valeur les institutions protectrices de la souveraineté nationale et de l’identité nationale.

18.  Sévir sévèrement contre la dépravation des mœurs en général et la débauche de la jeunesse en particulier.

19.  Mettre fin à l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire qui musèle et persécute les médias et l’opposition politique pacifique.

20.  Traduire en justice les criminels de guerre qui se la coulent douce au sommet de l’État au lieu de faire des simulations théâtrales de rébellions tutsi fictives. Pour ce faire, il est impératif de stopper immédiatement  la chasse aux sorcières dirigée contre des citoyens honnêtes opposés au processus actuel et de remettre en liberté les enfants utilisés comme guets-apens.

21. Remettre tout le monde au travail et prendre des mesures d’urgence pour réhabiliter le système éducatif national, les infrastructures économiques et sociales. La question des enseignants et de la fuite des cerveaux doit particulièrement être au centre des préoccupations des mandataires publics au plus haut sommet de l’État.

 Honorable Monsieur le Président,

 Pour paraphraser la conclusion du discours de notre héros national au lendemain de la victoire pour l’indépendance du Burundi chèrement acquise: « Nous Vous jugerons à vos actes et notre satisfaction devrait constituer votre fierté ». En espérant que ces quelques idées trouvent auprès de vous et des autres hautes autorités nationales une oreille attentive, Veuillez agréer l’expression de notre très haute considération.

 Fait à Montréal, le 09 juillet 2004.

 Pour AC-Génocide Canada,

 Dr Épitace Nzisabira,
Président.

P.O/

Expert Iconzi,
Vice-Président.

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