ASSOCIATION POUR LA LUTTE
CONTRE LE GÉNOCIDE
« A.C. GÉNOCIDE –
CIRIMOSO »
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APPEL AU SECOURS ET A LA
JUSTICE INTERNATIONALE :
Mémorandum sur la situation qui
prévaut au Burundi
« Il ne peut y avoir de paix durable sans justice, [sans] la poursuite et la condamnation de
ceux qui ont perpétré le génocide, [y
compris] Ratko Mladic qui a présidé aux tueries et reste libre » (Extrait
d’un message que M. Barack H. Obama,
ex-Président des Etats-Unis d’Amérique, a livré lors du vingtième
anniversaire des massacres de Srebrenica).
***
Introduction
En cette date du 21 avril 2017, le
Comité Exécutif de l’Association pour la Lutte contre le Génocide (« A.C.
GÉNOCIDE – CIRIMOSO »), porte à la connaissance du Peuple Burundais et de
la Communauté Internationale ce qui suit :
1.- Il prévaut aujourd’hui au
Burundi une situation générale d’insécurité (assassinats, enlèvements,
disparitions forcées, détentions arbitraires, cas de torture, etc.) comme le
confirme le Rapport (S/2017/165) du Secrétaire
Général de l’ONU sur le Burundi, daté du 23 février 2017. En conséquence, des
centaines de milliers de Burundais vivent dans la misère des camps de réfugiés à l’étranger ou dans la précarité
de ce qui est conventionnellement et pudiquement appelé des « sites pour
les personnes déplacées internes (PDI) ».
2.- Les Imbonerakure, milice des jeunes affiliée au parti CNDD-FDD au
pouvoir, en collaboration avec certains agents de la Police Nationale du
Burundi (PNB) et du Service National de Renseignement (SNR), quadrillent tout
le territoire burundais et surveillent avec une attention particulière les
camps des rescapés tutsi du génocide d’octobre 1993, déclenché au Burundi un
peu moins de six mois avant le génocide d’avril 1994 dont l’objectif était
l’extermination des Tutsi au Rwanda.
3.1.- Les PDI survivant dans ces
sites sont aujourd’hui plus que jamais ciblés, persécutés, tués et/ou éparpillés.
Victimes d’une politique gouvernementale de la carotte et du bâton, ils sont forcés
par l’administration locale, la police et les Imbonerakure de « rentrer chez eux parce que la paix,
disent-ils, est revenue à travers tout le pays », pendant que leurs anciens
bourreaux les attendent dans les mêmes localités d’origine qu’ils ont dû fuir à
partir du 21 octobre 1993.
3.2.- L’objectif négationniste du
gouvernement en place est de démanteler ou liquider progressivement l’ensemble
des sites des rescapés, qui sont, encore aujourd’hui, autant d’éléments de
preuve irréfutables des crimes de génocide commis à travers le Burundi depuis
octobre 1993.
I.-
Les faits exemplaires
1.- Il est opportun de rappeler
qu’il y a un peu plus de 20 ans, quelque 98 ouvriers et agents de
l’administration de l’usine de thé située à Teza (en province de Muramvya)
furent massacrés le 03 juillet 1996 par les « bandes armées » du CNDD
(plus tard dénommé CNDD-FDD). Dans leur très grande majorité, les victimes
étaient des Tutsi, d’après les témoignages de l’époque qui ajoutent que
l’attaque des mêmes « assaillants » visait également un camp de
déplacés tutsis.
2.- Rappelons aussi qu’à la même
époque, 648 Tutsis rescapés du génocide d’octobre 1993 furent exterminés le 21
juillet 1996 par les « rebelles » du CNDD-FDD dans le site des
déplacés de Bugendana (en province de Gitega) où ils croyaient avoir trouvé
refuge.
3.- En outre, nous nous acquittons de
notre devoir de mémoire et nous rendons hommage aux quelque 166 réfugiés
Congolais Banyamulenge massacrés et plus de 100 autres blessés le 13
août 2004 à Gatumba (localité frontalière entre le Burundi et la R.D. du
Congo), victimes des « bandes armées » du Palipehutu-FNL dirigées, entre
autres, par Agathon Rwasa et Pasteur Habimana. A l’époque, ce dernier
revendiqua ces actes à caractère génocidaire qui ciblaient les Tutsi Congolais
ayant fui la guerre qui ravageait le Sud-Kivu et qui croyaient avoir enfin
trouvé une terre d’asile dans notre pays. Aujourd’hui, MM. Rwasa et Habimana ne
sont inquiétés par personne et se trouvent même haut placés dans l’appareil de
l’Etat Burundais.
II.-
Notre point de vue en général
1.- L’« A.C. GÉNOCIDE –
CIRIMOSO » ne se lassera pas de mettre en garde les adeptes du raccourci
de la réconciliation sans justice, puisque tout crime de génocide qui reste
impuni est destiné à se répéter ou à se perpétuer sous d’autres formes de
crimes contre l’humanité et que le devoir de justice est tout aussi --- ou
sinon plus important que le devoir de mémoire.
2.-
Après l’échec dû à la mise en application sélective et discriminatoire de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la
Réconciliation au Burundi (28 août 2000), ci-après désigné par Arusha-I, les
survivants de 1993, les opposants politiques et autres dissidents prennent massivement
le chemin de l’exil comme en 2015. En même temps, on assiste à des opérations
de nettoyage ethnique au sein des Forces de Défense Nationale (FDN) et de la
Police Nationale du Burundi (PNB) ciblant les militaires et policiers tutsi,
pratiquement à tous les échelons de la hiérarchie des deux corps.
3.- Cette situation de conflit
politico-ethnique est également caractérisée par l’absence de libertés
publiques, dont notamment la liberté d’expression suite à la destruction
quasi-totale des médias indépendants. Dans ces conditions, l’espace de liberté
qui reste est, de facto, occupé de
manière prédominante par les organes d’expression d’un Etat à régime de parti
unique. La plupart des médias sont devenus des porte-voix d’un confusionnisme
et d’un négationnisme éhontés face aux différentes crises qui ont ravagé la
société burundaise depuis les 50 dernières années.
4.- Le contexte politico-sécuritaire
actuel ne permet pas de faire auprès de la Commission « Vérité et
Réconciliation » (CVR) des dépositions relatives aux crimes du passé (1962-2008)
et aux souffrances endurées par les survivants. A titre d’exemple, en effet, bon
nombre des bourreaux de 1993 et des années qui ont suivi tiennent aujourd’hui
les rênes du pouvoir.
III.-
Face aux solutions actuelles
1.- Les pourparlers d’ARUSHA-II
Les nouvelles tractations en cours à
Arusha (Tanzanie), qui sont déjà baptisées Arusha-II,
peuvent déboucher sur des décisions politiques que personne ne peut prévoir
mais il est sûr qu’Arusha-II a lieu
aujourd’hui parce qu’Arusha-I a
échoué notamment en ce qui concerne les mécanismes de justice transitionnelle
qui devaient être mis en marche aussitôt après l’année 2000.
Certains participants aux
tractations d’Arusha-II prétendent
encore une fois représenter les intérêts de leur communauté d’origine (hutu,
tutsi ou twa) mais on peut se demander combien parmi eux ont la lucidité et le
courage d’inscrire à leur agenda la question de la poursuite judiciaire des
personnes responsables des crimes les plus graves (crimes de génocide, crimes
de guerre et autres crimes contre l’humanité) qui ont ravagé la société
burundaise depuis 1962.
2.- Les activités de la CVR
L’évolution de la crise actuelle est
illustrée par la consécration de l’impunité et la fuite en avant du
Gouvernement du Burundi qui, par la loi n° 1/14 du 18 octobre 2016 promulguée
par le Président Pierre Nkurunziza, a décidé de se retirer du Traité de Rome
instituant la Cour Pénale Internationale (CPI), qui a son siège à La Haye.
La Commission pour la Vérité et la
Réconciliation au Burundi (CVR), quant à elle, est chargée par son employeur,
le Gouvernement du Burundi, d’ « [e]nquêter et établir la vérité sur les
violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire
commises durant la période allant de la date de l’indépendance le 1er juillet
1962 au 4 décembre 2008, date de la fin de la belligérance. La Commission prend
en compte la gravité et le caractère systématique et collectif des
violations ».
2.1.- En plus des auditions des témoins des différentes
crises qui ont endeuillé le pays de 1962 à 2008 et de la recherche documentaire
sur la même période, la CVR vient récemment d’inaugurer les travaux dont les
objectifs sont d’« identifier et
cartographier les fosses communes et tout autre endroit d’enterrement non
reconnu par la loi, prendre les mesures nécessaires à leur protection, procéder
à l’exhumation éventuelle des corps aux fins d’un enterrement digne. »
2.2.- Il faut toutefois
remarquer que le volet « justice » ne figure pas dans le cahier de charges
de la CVR. Le Gouvernement, qui a mandaté la Commission, prétend privilégier la
réconciliation et la « justice sociale » par rapport à la justice
pénale au même moment où certaines autorités politiques et administratives,
par leurs discours, attisent la haine ethnique dans la population. Et que dire
des activités de « gestion des
fosses communes » qui s’inscrivent dans un climat social aussi
délétère ?
2.3.- Le contexte
politico-sécuritaire actuel ne permet pas non plus de faire des dépositions
auprès de la CVR, bon nombre de bourreaux de 1993 et des années qui ont suivi
tenant aujourd’hui les rênes du pouvoir. Il n’est donc pas surprenant que certains
des témoins qui ont, de bonne foi, fait des dépositions relatives aux « événements »
tragiques du passé aient déjà été persécutés malgré l’existence d’une loi
théoriquement destinée à garantir la protection à ces mêmes témoins.
2.4.- En fin de compte, comme le dit si bien la maxime, une justice trop tardive équivaut à un déni
de justice. Les diverses manœuvres ayant pour but d’ajourner sine die la mise en place d’un Tribunal
Pénal International pour le Burundi tel que prévu par Arusha-I signifieraient-elles que la classe politique en général,
et le Gouvernement en particulier, est fondamentalement incapable de protéger
la société burundaise contre la tentation de vengeance privée ?
Par ailleurs, certains crimes que la
CVR est chargée d’examiner relèvent en
réalité d’une compétence judiciaire internationale. A titre d’exemple et sans
équivoque possible, la Commission Internationale d’Enquête mandatée par le
Conseil de Sécurité de l’ONU, « [a]yant
conclu que des actes de génocide ont été perpétrés contre la minorité tutsie au
Burundi en octobre 1993, [elle] est d'avis qu'une compétence internationale
doit s'exercer à l'égard de ces actes. » (Rapport n° S/1996/682 publié
le 22-08-1996, §496).
Enfin, la CVR souffre de handicaps
« congénitaux » qui ne peuvent pas garantir sa neutralité
supposée : (a) il y a eu un manque flagrant de consensus national notamment par rapport à
sa composition et à son entérinement par une Assemblée Nationale et un
Sénat pratiquement monopartisans ; (b) certains de ses membres ayant été affectés
personnellement par les crimes qu’ils ont la mission d’investiguer, ne
serait-il pas naïf d’attendre et d’exiger d’eux impartialité et neutralité ?
Conclusions
et recommandations
Eu égard à ce qui précède, l’Association
pour la Lutte contre le Génocide (« A.C. GÉNOCIDE–CIRIMOSO »)
considère qu’une véritable sortie de crise pour le Burundi ne sera possible que
grâce à l’action d’une commission d’enquête judiciaire internationale, neutre
et indépendante, mandatée pour la recherche de la vérité, la justice et
la réconciliation (CVJR), habilitée à
saisir le Tribunal Pénal International pour le Burundi conformément à l’esprit
des recommandations du Rapport S/1996/682
de la Commission Internationale d’Enquête sur le Burundi mandatée par le
Conseil de Sécurité de l’ONU et au prescrit de l’ Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi (28 août
2000).
L’Association pour la Lutte contre
le Génocide (« A.C. GÉNOCIDE – CIRIMOSO ») demande donc à la
Communauté Internationale représentée notamment par l’Organisation des Nations
Unies (ONU), l’Union Africaine (UA), la Communauté Est-Africaine (CEA), l’Union
Européenne (UE) de mettre en œuvre et en
temps utile toutes les mesures destinées à enrayer la machine de mort
qui continue à broyer le Peuple Burundais à cause du déni de justice et de
l’impunité.
L’Association pour la Lutte contre
le Génocide (« A.C. GÉNOCIDE – CIRIMOSO ») estime que les querelles
byzantines dans les instances de décisions ne profiteront qu’aux criminels
contre l’humanité et aux négationnistes : il ne faudra donc pas se
précipiter avec beaucoup de larmes et quelques seaux d’eau pour éteindre la Maison
Burundaise déjà en cendres et en fumée alors qu’on n’a rien fait en temps
utile, sous le prétexte du respect de la souveraineté
nationale des Etats. Nous voudrions rappeler que la responsabilité de protéger les
citoyens, les réfugiés, les déplacés, etc.,
implique que « la souveraineté nationale » ne peut en aucun
cas être invoquée pour persécuter, massacrer ou exterminer des populations à huis clos.
L’« A.C. GÉNOCIDE–CIRIMOSO »
demande encore de manière insistante à la Communauté Internationale ce qui
suit :
1.-
Prendre des mesures pour faire respecter les dispositions visant la protection
des populations civiles contenues dans la Convention
relative au statut des réfugiés (Genève, 28-07-1951) et dans la Convention relative à la protection des personnes déplacées internes (Kampala,
octobre 2009).
2.- Prendre des mesures pour faire respecter
la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Paris, 09-12-1948).
3.- Mettre
sur pied une Commission Internationale d’Enquête Judiciaire chargée
d’identifier les responsables présumés des crimes de génocide, crimes de guerre
et crimes contre l’humanité commis au Burundi à partir du 21 octobre 1993, y
compris le crime abominable perpétré à Gatumba en août 2004 contre les réfugiés
Congolais Banyamulenge, afin que ces personnes soient enfin traduites devant un
Tribunal Pénal International chargé de les juger de manière indépendante et
impartiale.
4.-
Mettre sur pied une Commission Internationale d’Enquête Judiciaire mandatée
pour mener des investigations et un Tribunal Pénal International pour qualifier
et juger les crimes les plus graves commis au Burundi depuis l’indépendance
jusqu’en octobre 1993.
5.-
Appuyer de manière concrète la Cour Pénale Internationale (C.P.I.) dans sa
mission de poursuite judiciaire de toutes les personnes qui, au cours de la
crise actuelle, ont commis ou auront commis des crimes de génocide, des crimes
de guerre et d’autres crimes contre l’humanité.
Fait à Toronto, le 21 avril 2017
Pour l’« A.C. GÉNOCIDE –
CIRIMOSO
[Signé]
Emmanuel NKURUNZIZA,
Secrétaire
d’AC GÉNOCIDE CANADA
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